"Avez-vous harcelé vos collaborateurs?": le style bulldozer de Rachida Dati comme système de défense

La meilleure défense serait-elle l'attaque? Interrogée ce mercredi soir sur France 5 sur 299.000 euros d'honoraires de GDF-Suez, que Rachida Dati aurait touché quand elle était députée européenne sans en déclarer la provenance au Parlement européen, celle qui est désormais ministre de la Culture a vertement répondu aux journalistes de l'émission C à vous.
Après avoir récusé les faits révélés par France 2 dans Complément d'enquête et le Nouvel Obs, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a contre-attaqué en faisant référence à un article de Mediapart de février dernier. Le média y décrivait la "gestion humaine agressive" de Patrick Cohen quand il dirigeait la matinale de France inter entre 2010 et 2017.
"Monsieur Cohen, avez-vous harcelé vos collaborateurs? Est-ce que c'est vrai Monsieur Cohen?", l'invective la ministre, à la surprise du journaliste.
"Vous pourriez aussi tomber sous le coup de ce délit (de harcèlement). Il suffirait que je fasse un article 40 pour dénoncer suite à ce papier de Mediapart. Je peux saisir le tribunal", a-t-elle encore insisté, évoquant cet article du code pénal qui permet à un élu ou un fonctionnaire de signaler à la justice des délits dont il a eu connaissance dans le cadre de ses fonctions.
Interrompue par Anne-Élisabeth Lemoine, Rachida Dati change de cible, s'adressant cette fois à la présentatrice de l'émission.
"De la même manière, on a dit qu'à C à vous l'ambiance est épouvantable, que vous pleurez toute la journée, que tout le monde est mis en cause". "Non, c'est faux", lui rétorque Anne-Élisabeth Lemoine.
Après cette séquence, la direction de France Télévisions a apporté "tout son soutien aux équipes de C à vous et à l'ensemble de ses journalistes". "Les mises en cause personnelles à l'encontre des journalistes ne sont pas acceptables", insiste encore la chaîne.
Actuellement mise en examen pour "corruption passive" et "trafic d’influence passif par personne investie d’un mandat électif public" dans l’enquête ouverte contre l'ex- PDG de l’alliance Renault Nissan, Carlos Ghosn, l'ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy a l'habitude de se montrer très offensive depuis le début de sa carrière en politique quitte à s'en prendre personnellement à ses interlocuteurs.
Exemple avec un SMS envoyé à Brice Hortefeux en 2013. Alors que l'ex-ministre de l'Intérieur et Rachida Dati entretiennent depuis des années une relation houleuse, Mediapart révèle l'un de ses textos au ton incendiaire adressé à son ancien collègue.
"Salut le facho", peut-on notamment y lire, avant de le traiter d"espèce de voyou" et de "ministre naze".
L'élue LR lui enjoigne alors de "lui foutre la paix" ou menace de révéler tout ce qu'elle sait au "sujet de l'argent liquide" perçu "pour organiser des rendez-vous auprès de Sarko".
Rachida Dati a toujours assumé ses vifs échanges avec lui, allant même jusqu'à raconter dans les colonnes du Monde comment elle lui avait "mis un coup de poing dans la gueule" dans un ascenseur en 2017.
Autre épisode avec Agnès Buzyn lorsque l'ex-ministre de la Santé avait croisé le fer avec Rachida Dati lors des municipales à Paris en étant la candidate de Renaissance.
En mars dernier, interrogée sur la très probable candidature de la ministre de la Culture pour la capitale en mars prochain, Agnès Buzyn n'a pas fait semblant. "J’ai vécu les échanges avec madame Dati en tant que candidate et j’ai trouvé qu’ils étaient trop virulents. Aujourd’hui, ce n’est pas ma façon de faire de la politique", a-t-elle expliqué sur Radio J.
Il faut dire qu'un débat télévisé organisé par France 2 à la fin de la campagne des municipales pour Paris en juin 2020 en pleine pandémie lui avait laissé un mauvais souvenir.
"Un peu de respect, Madame Buzyn", lui avait intimé Rachida Dati. "Vous voulez parler du Covid? On peut parler des plaintes déposées contre vous?", avant d'évoquer les milliers de morts de l'épidemie victimes de "ses mensonges".
Dans un numéro de Complément d'enquête diffusée début juin sur France 2, Agnès Buzyn évoque également des SMS au "ton violent" envoyés par Rachida Dati dans lequels elle aurais promis de "lâcher les chiens" et de "pourrir sa campagne".
En avril dernier, c'est à l'Assemblée nationale que le ton était monté. En plein débat en commission sur la réforme de l'audiovisuel public que défend la ministre de la Culture, elle avait été accusé d'avoir "manqué de respect" à une fonctionnaire du Palais-Bourbon "prise à partie", comme l'avait expliqué la présidente de la commission des Affaires culturelles Fatiha Keloua Hachi (PS).
L'élue socialiste avait demandé à Rachida Dati de "reconnaître son comportement et s'excuser auprès de la commission".
"J'ai vu des communiqués" disant "qu'il y avait eu une agression, qu'il y a eu des menaces, qu'il y a eu des insultes. Elles n'ont jamais existé", avait martelé Rachida Dati en réponse, admettant tout au plus une "réponse un peu vive".
Est-ce une conséquence du style de Rachida Dati? Les élus parisiens, que ce soit parmi les rangs de la droite ou de la macronie, sont rares à officiellement soutenir sa candidature pour les municipales à Paris en mars prochain. Contacté, le cabinet de Rachida Dati n'a pas donné suite.
BFM TV